P.A.O. : mise en Page Assistée par Ordinateur

Assistée, assistée, faut voir comme. Quand Môssieu O ne se bloque pas dès qu'on lui parle un peu longuement par logiciel interposé, il prend un coup de chaud et rend l'âme au moindre orage.
Mais zenfin ne soyons pas revanchard, môssieu O permet de bien belles mises en page et d'agréables petits jeux d'images. Anne Contri s'en va vous prouver qu'elle peut enchanter vos logos, brochures et cartes... On se voit chez annecontri@tele2.fr ?

Les cartes d'anniversaire

L'an 2000, c'était l'occasion de marquer le coup. Les décennies des uns, les 75 ans de Papa, aussi. Voici quelques montages célébrant l'anniversaire des petits nenfants des ptits parents des ptits poteaux.

- Pour Christopher Li, loin de se laisser abattre par un glaçon de rien du tout, ce sous-titre évocateur de prouesses : "Tu le sens mon gros iceberg ?".

- Pour Nizibyle la muchacha, un petit Antonio Banderas en gracieux tour de main pour agiter sa robe pourpre.

 

- Pour Jérome et la Comtesse elle-même, ce petit rêve de trôner au soleil avec ce coquinou de Di Caprio.

- Pour Fred, une des plus grandes fan de Mr Bebel, une méga cuite en quarantaine sur le Fleuve Jaune

 

- Pour les 3/4 de siècle de mon papa, la vérité se devait d'éclater à la face du monde

- Pour Ute et Hervé, amoureux dans la lune, cette pochette de CD du style pièce unique.

- Pour Vincent, sosie de Tommy Lee Jones, dont le cri de guerre millénariste était "Soyons lamentables", une règle du jeu quasi militaire s'imposait.

- Pour Domi, Gersoise cinéphile et néanmoins bassiste de rock, le Gers ne sera plus jamais le même avec Clint, Tommy, Donald et les autres.

 

- Pour Cyril le Toulousain, une embrassade rugbystique était la moindre des choses.

- Le même jour, pour Mister Bert, un Picture Show relevé dans un autre genre de sport

- Les benjamines de la compétition : Caoline, lutin énergique de 17 ans, fait figure de vieille peau auprès d'Ariane. En l'an 2000, Ariane fêtait son un an le 11 juillet. "Tout le monde ne peut pas en dire autant," commente la Comtesse, née le même jour, mais pas la même année...

Les cartes postales vulgaires

Une collection unique. La ©omtesse, clamant son mot d'ordre "Parfois grossière, toujours vulgaire", s'est fait un plaisir de créer une ligne de choix proposant cette série de cartes postales vulgaires.

On peut se les offrir au prix de 1 euro la pièce, oh oui, parler d'argent c'est tellement vulgaire. Osez passer commande chez annecontri@tele2.fr ! Puis visitez les Nalboums des journées mondiales du Mauvais Gout.

Attention, cette collection peut heurter quelques âmes sensibles.

Ouskel sont vulgos, ces délicieuses cartes. Ci-dessus, la série scatophile (les scatophiles sont les gens qui aiment le skate) :

Les oiseaux se cachent pour péter, une belle séquence émotion illustrée par un corbeau et une mouette en pleine discussion dans une pissotière de Lausanne by the lac, Chuiche.

Tampix onde de choc : avec son applicateur en toile émeri, étonnez-vous, étonnez vos amis !

Enjoy Caca, un grand moment dans la vie de la Comtesse apprenant tout des vases communiquants en vasque concupissante.

Prout Up de Dim, sur une photo culte de sieur Popka, photographe culte lui-même, le collant idéal de la ménagère de moins de 50 ans. Et même de plus.

Changer de maîtresse : inspiré par Bill Clinton et la même pub en anglais, "changing your misstress doesn't have to be a problem", cocasse de voir qu'en changeant un seul mot (maîtresse au lieu de matelas), tout devient possible dans le domaine de l'échangisme !

Clinique du rajeunissement de la bouche : avant, après. Inspiré par une pub dans l'ascenseur du grand Hôtel d'Evian s'adressant à sa toujours jeune et belle clientèle.

Oui au pognon, sous certaines conditions : quoi, vous ne trouvez pas ça vulgaire ? Mais zalors, vous n'êtes pas de gauche ? Cette vue de la Comtesse à Tahiti et de Fiphouille sur le hors-bord du lac Léman, ça ne vous fait pas hurler d'horreur ? Pfouh, le respect se perd...

Cartes de visite et brochures

Tout expliquer en une carte de visite, si c'est possible ? Bien entendu les enfants. Dire que Anne Contri est pluri-disciplinaire, c'est tout simple : soit vous fabriquez un site de 33 pages, soit vous éditez une carte de visite affichant comme profession : "Un peu de tout". Personnellement, moi j'aime autant les deux solutions. Le fait que je sois Anne Contri y est peut-être pour quelque chose.

LA NETTOYEUSE - LA COUVERTURE

Deux concepts improbables, deux cartes de visite auxquelles on peut ajouter les languettes détachables.

La Nettoyeuse propose de venir chez vous à Paris pour faire le ménage à la fin d'une fiesta à tout casser, c'est à dire de 2h à 5h du matin environ, pour un forfait de 75euros. "Quand la fête est finie, le ménage aussi", autrement dit : le bonheur si je veux (et si j'ai la thune). Ca vous intéresse et vous êtes sur Paris? CALL THE MAID au 01 42 61 93 16

La Couverture vient au secours des gays n'ayant pas fait leur coming out. La Comtesse se loue alors le temps d'une soirée, pour donner le change en s'amusant. Long terme prohibé définitivement, mais un soir de temps en temps... Ca vous intéresse ? RENT YOUR PLANQUET au 01 42 61 93 16

En forme de : cartes de visites façon paquet de cigarettes, pour ceux qui ne se sentent pas d'obéir à la bienveillante dictature de la santé à tout crin.

En forme de : roman policier, avec des titres évocateurs : "Tueuse de bon goût" (voir cartes postales vulgaires ci-dessus si besoin est) ou bien "L'assassin habite au".

D'autres couvertures de livres, aussi bien que d'autres objets dont on identifie immédiatement le message visuel, les cartes de visite "A la manière de" sont un moyen agréable et amusant de communiquer.

Une idée par seconde : contactez annecontri@tele2.fr

 

Coaaaaa ! Vous n'avez pas d'idée pour les pochettes de vos CD ? Alors que vous êtes un musicien génial et encore méconnu ? Ni une ni deux, contactez la Comtesse, comme l'a fait Manuel Fraiman (oui, celui-là même qui chantait "Kennedy et Moi" dans le film du même nom, avec sa voix de velours).

Ah mais faut tout de même reconnaître que ça a une autre allure, un skeud avec une belle chopette.

 

L'ART DU PACKAGING : fabrication de sacs (ici, pour la créatrice de bijoux Béatrice Knoch), 17 rue André del Sarte, Paris 18ème

 

Brochure pour Tycia de Paula, artiste lyrique proposant d'accompagner les cérémonies de toute l'émotion de sa voix. 06 64 66 88 94

 

BROCHURES : D'un format carte de crédit aussi bien que A4, tout est à inventer pour la brochure de vos rêves. Ci-contre, la mini-brochure du spectacle dont vous saurez tout en cliquant ici.

 

LOGOS : recherche autour du mot, mise en espace, votre logo, c'est vous. Ci-dessous, exemple de recherche pour Locatori (www.locatori.com), une société de location de nacelles élévatrices.

......

Et le produit fini !

 

P.A.O. : les Carrés Noirs

15 x 15 cm - Une fois pliés, les Carrés Noirs font ce format. Ce travail n'a aucune utilité, sinon d'honorer les beautés du noir et blanc et de mettre en valeur l'admirable alchimie des photos (de Anne Contri) mêlées aux textes (de Anne Contri).

Un jour un amant de passage s'est mis à lire un des textes du Carré Noir "New York" en enchantant mes oreilles. Surtout qu'il lança, en fin de lecture "C'est bien, hein!" Flattée rougissante, je m'apprêtais à balbutier que oh ben oui c'est-à-dire, quand il ajouta "Ma manière de lire, c'est bien hein ! J'ai pris des cours chez une orthophoniste..."

Et on s'étonne que j'aime les analphabètes...
Le Carré Noir (copie laser) : 3,5 euros

 

Les Carrés
Noirs,
qu'est-ce ?

 

Une grande
feuille de
format A3

 

Imprimée
en noir
et blanc

 

En un poster
recto
verso

 

Puis
pliée
en six

 

De manière
à former
un carré

J'aime Paris - Elevons-nous - En 2001 il y a - Toutes directions - 2000 moins le quart - New York - Caffé Florian.

Tels sont les titres des 7 Carrés Noirs réalisés à ce jour.

VENISE : Caffé Florian :
des photos de Venise en décembre, et une nouvelle à lire recto verso.
Pour découvrir cette nouvelle, il suffit de descendre sous New York, encore un peu, ci-dessous

 

NEW YORK - De la brume et de l'amour.
Ci-après, le poster entier recto verso

Tiens, regardez, en 1994 il y avait encore les Twin Towers...

Vous avez vu, ci-dessous à droite, c'est Régina (la reine des nuits brésiliennes à Paris) et moi.
Notre Brodway à nous, c'était celui du Queens. On est comme ça, nous les filles.

Et encore ces deux tours qui font coucou au loin, tandis que je suggére, entre moi et moi,
que c'était moi qui t'aimais le mieux dans New York qui bascule
.

Oui je sais, vous en voudriez encore. Votre gourmandise vous honore, mais si vous êtes vraiment sur votre faim,
courez vous régaler de gravures, de peintures, de poèmes...
Et lisez la nouvelle "Caffé Florian" copiée collée ci-dessous, rien que pour vos yeux.

La reine de la PAO vous a convaincu ? Vous avez envie de lui confier vos cartes de visite,
pochettes de CD, logos, brochures et autres gadgets rendant hommage au dieu Communication ?
Vous avez envie d'une carte postale ou deux, d'un jeu de Carrés Noirs ?
Vous avez besoin d'un service ménage post fiesta parisienne, ou d'une couverture ?
Envoyez un petit mail chez annecontri@tele2.fr, et racontez vos desiderata.

Pour revenir à la page d'accueil
(quoi, vous ne voulez vraiment pas la lire, cette nouvelle qui est drolement belle ?)

 

CAFFE FLORIAN

Il y avait une vieille dame au Caffé Florian. Tous les trois nous passions chaque soir sous les arcades, après minuit, le ventre plein, la paupière lourde, mais avec au coeur une envie de poursuivre un petit peu la fête vénitienne. Drôle d'ancestral caffé, avec ses deux F à l'italienne, sa devanture soigneusement sale, et ses wagons. Vieil orient-express arrêté et ses salons mystèrieusement inaccessibles par devant, dans lesquels on se glissait comme en représentation, à l'arrière. Animé de touristes dans la journée, l'ancestral caffé était déserté à sa pré-fermeture, comme si la nuit n'intéressait pas cette ville qui semblait pourtant si bien faite pour l'obscurité.

Irons-nous boire un dernier thé ? lança François. S'il y a de l'ambiance, exigeai-je. Comprendre : de beaux jeunes gens. En longeant les salons du Caffé Florian, François ricana: "Là, il y a une sacrée ambiance." Philippe suivit, riant aussi après avoir jeté un oeil. Je regardai à mon tour. Le premier salon était rouge, éternel, cossu et presque vide. Il n'y avait qu'une dame, une toute petite vieille dame d'au moins quatre-vingt-dix ans, recroquevillée par son grand âge, qui regardait au dehors en levant mal la tête. Serrée dans son manteau. J'arrêtai vite mon rire. La vieille dame était comme un oiseau, bouleversante de fragilité, bouleversante de solitude. J'eus soudain la crainte vive de l'avoir blessée. De l'intérieur du caffé je savais qu'on n'entendait guère les bruits du dehors, mais peut-être avait-elle perçu les rires emportés de mes camarades, et de toutes façons aperçu ces trois faces se tournant vers elle et pouffant. Si petite, si recroquevillée, à peut-être se demander dans son vieux petit coeur ce qu'elle avait fait de mal, ce qu'elle avait de ridicule pour ainsi provoquer les moqueries. Tout ce que je pus trouver, en réaction consolante, fut de lui adresser un gentil sourire et un salut courtois de la tête. Le reste du caffé était vide, complètement cette fois. Nous rentrâmes à l'hôtel.

La vieille dame ne me quitta pas pour autant. Qui était-elle. Que faisait-elle là, seule, dans ce caffé mythique. Qu'était-elle venu chercher. Avait-elle entendu nos rires. Avait-elle souffert de nos rires. En ouvrant péniblement la porte de son petit logement, et en se confrontant à son miroir, s'était-elle effondrée. Avait-elle lu dans ses yeux bordés de rouge la définition de sa totale solitude. Y avait-il un point commun entre elle et cette femme d'une cinquantaine d'années que j'avais remarquée le mois précédent, isolée sous un néon, dans le Quick quasi-vide d'une banlieue de Bruxelles, à minuit, à m'en fondre le coeur... Elle était sa mére, peut-être, le même silence, la même résignation devenue enveloppante, en tous cas la même tribu des femmes seules au regard un peu vague. A quatre-vingt-dix ans, que pouvait-elle espérer, ma vieille dame obsessionnelle. Que faisait-elle dans ce caffé. Venait-elle chercher la convivialité professionnelle des serveurs. Pour un peu qu'elle leur soit connue, peut-être lui offraient-ils un baise-main et une attention qui la comblait. Ou l'appelaient-ils simplement par son nom, Madame, Signora, Baronne, Duchesse...

Le lendemain il faisait gris et frais, humide bien sûr, alors que nous parcourions les allées étroitement surveillées des musées et palais. Art de vivre vénitien, peintures que le temps n'avait pas assombries, vierges à l'enfant à foison, scénes de guerre viriles ou langoureuses postures. Etait-ce elle, la vieille dame, unique modèle de tous ces peintres, elle qui, du temps de sa plantureuse jeunesse, avait bousculé tous les tabous pour se présenter nue devant les créateurs. Il l'avaient punie. En léguant à la postérité ces corps d'homme délicieux de beauté, taquins et virils, que même le marbre n'arrivait pas ˆ rendre froids... Et en transformant les femmes, en la transformant, elle, en laideron bouffi, tout juste bonne ˆ enfanter des Jésus à face de notaire et à adorer ces gniards auréolés d'angelots appétissants. Un modèle, c'était elle, sein déformé happé par le joufflu, paupière lourde, sourire insipide, rondeurs sans grâce, à quelles règles misogynes obéissaient-ils, les maîtres du pinceau, par quel sortilège religieux avaient-ils droit de peindre les hommes en objet érotique, et les femmes en odeur poussiéreuse de sainteté...

Comme ils n'avaient pas su l'aimer, elle avait commencé à vieillir. Par bonheur, son chemin avait croisé celui du Tintoret, qui enfin, avait rendu hommage à sa belle chair encore fleurie. Qui l'avait glissée, belle, opulente, gracieuse, sur toutes ses toiles, même celles de sa couche. Dans ses bras, sous son pinceau, elle s'était épanouie et offrait enfin la sensualité au corps féminin. Grâce àlui, avait-elle oublié cette journée tragique du siècle précédent où le serrurier du royaume, sous l'oeil pointu du châtelain son époux, lui avait installé cette épouvantable ceinture de chasteté brandissant de fines dents vers l'extérieur. Il était parti aux croisades, son légitime, décidé à expliquer aux indigènes de la terre sainte son sens aigu de la chrétienté à coups de masse d'arme. Après la peste aux millions de morts, le Pape n'avait trouvé que ce projet de colonies de vacances pour occuper ses ouailles et leur faire oublier qu'ils étaient sous la coupe d'un Dieu bien dévastateur. Laissant les épouses dans cet abandon enferré. Restée seule au château, avec cette infamie soudée sous ses jupes, elle avait immédiatement envisagé le pire : la rouille. La gangrène. L'impossible saleté qui risquait de s'incruster. Elle en avait pleuré des nuits et des semaines, affreusement gênée par ce string hérissé, avant de réaliser que le serrurier était achetable et qu'il y avait des pièces d'or au fond du coffre.

Elle ne sut jamais que son époux s'était fait exploser le dessus du crâne en posant le pied en Palestine et qu'il ne rentrerait pas. Libérée par la grâce d'un tour de clé, veuve sans le savoir, elle avait repris goût aux choses de la vie, quittant le château pour s'adonner aux charmes vénitiens. Elle avait rencontré Casanova lors d'une nuit sans lune, mais ce ne fut qu'un échange de regards, trop bref, suspendu, qui l'avait embrasée. La poitrine enflée par le désir inassouvi, elle avait suivi des yeux le lent cortège des flambeaux traversant le pont des Soupirs, par une nuit glaciale. Quelques secondes, et Giacomo l'homme au charme humain avait disparu dans les geôles. Elle n'avait pas appris son évasion. Elle était devenue entre temps la préférée du Tintoret. Puis le Caffé Florian avait ouvert. Seules les femmes à la vie dissolue, comme elle, s'y rendaient. Elle y avait traversé les révolutions, les dictateurs, trouvant encore des mains pour retrousser ses jupes tandis que tonnait la mitraille. Des hussards, des grognards, des spadassins, des anarchistes. Puis des intellectuels gauchistes. Enfin, des hommes d'affaire, des banquiers lombards, des pachas américains qui n'y comprenaient rien. Le grand amour, elle l'avait connu avec un serveur du Florian. Un Napolitain au sang vif, venu s'apaiser dans la ville aux lenteurs exquises. Ils s'étaient aimés durant des années sans que la direction du prestigieux caffé n'y trouve à redire. Leur discrétion était aussi exemplaire que leur amour. Elle le retrouvait tous les soirs, dans le premier salon, quelque demi-heure avant la fermeture, et ils rentraient ensemble dans la nuit répandue. Puis il était mort à la guerre, elle ne souvenait plus quelle guerre, elle se souvenait juste de sa peine, et du peu d'intérêt qu'elle avait alors trouvé à l'existence. Découvrant, mais bien plus tard, que sa nostalgie, après l'avoir empêché d'avancer, était devenue son seul monteur. Un petit moteur lui permettant tout juste de trottiner.

C'est ainsi que nous l'avions croisée, ce soir-là, comme d'habitude, dans le premier salon du Caffé Florian, quelque demi-heure avant la fermeture. Bien sûr les serveurs la connaissaient. Bien sûr ils la choyaient du regard, elle était leur mémoire et s'y blottissait au chaud. Elle avait bien vu ces trois personnes, nous, passant sous les arcades, les deux hommes qui avaient ri, et la jeune femme qui, finalement, l'avait saluée. Elle n'avait plus l'habitude qu'on la remarque. Elle avait oublié qu'elle avait un corps, un souvenir de corps qu'elle traînait autour de sa mémoire. Elle n'était qu'images, souvenirs. Et tout devenait flou, coloré, mais les couleurs passaient, l'or pour acheter le serrurier, le pinceau coquin du Tintoret, l'éclat du regard de Casanova, l'ombre des pistolets anarchistes, les nuits ambrées avec son amoureux. La musique s'épanouissait, s'évanouissait. Comme Venise l'auto-suffisante, se dissolvant dans la brume.

Le dernier jour, le dernier soir, je jetai un oeil vers le Caffé Florian. La vieille dame fragile comme un oiseau, recroquevillée, n'était pas là. Elle me manquait, elle m'inquiétait. Je courus dans le caffé, entrai en trombe pour me diriger vers le premier salon. Un serveur se tourna vers moi et inclina la tête.

- Cette vieille dame, là, qui était assise près de la vitre, l'autre soir. Elle ne vient pas ?

- Elle arrive, me répondit laconiquement le serveur, en me souriant tristement.

- Elle n'est pas la ?

- Si si, elle est ici, me répéta-t-il, me prenant presque en pitié, avec douceur.

- Mais, qui est-ce ?

Il baissa les yeux au sol, avant de les relever vers moi, prit une grande inspiration et me lâcha, presque désolé :

- Mais c'est vous, Madame, c'est vous...

Anne Contri