Portraits sur Portraits Anne Contri - Dominique Borromei |
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Au pinceau, Dominique Borromei (à gauche). Jamais artiste maudite n'aura mis tant de prévenance dans sa malédiction. Et tant pis si cette amabilité de tous les jours cache une santé crucifiée, la toile recueille avec affection l'énergie de son désespoir, à se demander si ces hommes perdus dans le flou du pinceau ne constitueraient pas un vaste autoportrait sans cesse renouvelé. A la plume, Anne Contri (à droite). L'éparpillée se revendique elle-même en touche-à-tout à l'ego déployé, qui se glisse au coeur des êtres. Se pencher comme ici sur les dysfonctionnements de l'âme, n'est-ce pas encore une manière de s'extasier des beautés de l'existence... |
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L'une expose au Brésil, en Espagne, en France. L'autre prépare une rétrospective de son oeuvre à Beaubourg en 2010. En attendant le revirement de la peintresse vers une nouvelle lumière, et la béatification de l'écrivaine saisie dans l'extase, les deux femmes ont marié le pinceau et la plume pour offrir à ces héros tristes leur compassion en traits lancés. Atterrées par la cruauté de la vie qu'elles ne font que relayer, tentant de l'apaiser d'un peu de douceur, elles nous proposent la plus mélancolique des galeries en cet ouvrage tissé de soupirs... avant que la vie finalement taquine ne reprenne ses droits, et que recoule le Bordeaux... |
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Elles en ont fait un livre Vingt portraits
à la manière de La Bruyère se trouvent dans cet ouvrage.
Nous vous en proposons quatre extraits ci-dessous. PORTRAITS
SUR PORTRAITS - Plume et Pinceau - Anne Contri/Dominique Borromei |
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LE SILENCIEUX |
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Dés
qu'elles le virent, les femmes décidèrent qu'elles souffriraient
passionnément pour lui. Les infirmières et la sage-femme, sa
propre mère, au jour même de sa naissance, toutes sentirent dans
une profonde inspiration, qu'il allait changer leur vie. Puis les institutrices,
maîtresses en puissance, s'arrachant la peau du visage à son
passage. Il était déjà passé maître dans
le port du pardessus au col mystèrieux. Raser les murs, semer son regard
aux confins de l'horizon, avancer dĠune démarche souple, personne n'allait
penser que cette silhouette intemporelle appartenait encore à l'enfance.
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A lĠadolescence, la passion qu'il égrénait à chaque pas se ventila, il croisa des orgasmes, transforma la population féminine en troupeau de louves sautillantes, et gelé, fit couler le sang tendre des poignets fendus. Elles le guettaient, se jetaient sur lui, s'ouvraient les veines, riaient follement, repartaient pour de longs soins psychiatriques en clamant son nom. Il n'avait, tout au plus, qu'un regard. Le col de son pardessus lui protégeait la bouche, puisqu'il n'avait rien à dire. Lui seul semblait savoir qu'il n'existait pas. Il n'était que leur fantôme, lĠobjet rêvé de leur amour, la fluide silhouette de leur passion, rien de plus qu'un silence. |
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L'IMPRESSIONNÉ |
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Tout n'était
fait que de surprises. Et ça n'arrêtait pas. Petit, il se cachait
derrière les rideaux du salon, et n'en croyait pas ses yeux. Les grands
sĠembrassaient, ils se roucoulaient des choses à l'oreille et riaient.
Les grands, mais pas toujours papa avec maman. Et puis son frère, il
avait vu son frère faire des choses avec le petit voisin. Pourtant,
cĠétait deux garçons. Il avait aussi vu des gens tout nus ensemble,
cĠétait la télé, on lui disait de ne pas regarder.
Et puis des monsieurs dans la rue, qui mettaient des mains aux fesses de dames
quĠils ne connaissaient pas. Après, il avait vu des jeunes filles très
belle ne pas vouloir de lui, mais du chef de classe qui était très
fort.
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Il avait aussi vu des filles pas belles du tout qui ne voulaient pas de lui quand même. Il avait vu des patronnes lui sombrer dessus avec un rouge à lèvres très rouge et un sourire en coin, et puis une dame grosse avec une choucroute sur la tête et des talons hauts, qui avait pris son argent et l'avait fait monter dans une chambre pas très fraîche. Elle lui avait fait des choses, ça avait été une vraie surprise. Mais il était parti vite, pour se réfugier derrière les rideaux du salon. A présent que ses parents étaient décédés, ça ne roucoulait plus dans le salon, il était tranquille. Le tissu de velours à l'odeur reconnue le protégeait de tout. De ça. Des choses impressionnantes. De tout. |
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LE LUNAIRE |
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C'était
un conte japonais. La jeune fille, pâle et amoureuse, se laissait glisser
dans la rivière et seuls ses longs cheveux noirs flottaient dans la
lumière de la lune. Il avait aimé la jeune fille du conte, sans
se rendre compte que l'histoire parlait de lui, à lĠavance désespéré
par un chagrin d'amour. Il était devenu ce chagrin d'amour, porteur
dĠune pâleur douce et nocturne. Nul besoin de rencontrer quiconque,
le mal était fait, à lĠavance, sans drame. Son esthétisme
le portait, enfant de la nuit, dans la lisseur noire et perle de son oeil
aux aguets.
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Les animaux de nuit seuls le percevaient, errant en silence, petit fantôme de chair furtive, nĠespérant plus du monde, sinon cet immense soupir qui le remplissait, douloureux par avance, n'ayant rien connu dĠautre. On ne pouvait pas grand chose pour lui, arrondi, et si ceux du jour ne le voyaient pas, ceux du crépuscule à l'aube ne pouvaient que caresser sa joue de talc, kaolin doux de sa plénitude, et le laisser passer. Comme la jeune fille amoureuse il flottait, noyé dans le grand chapeau de la lune. |
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L'ASPIRANT |
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Oui, il
avait une tête de notaire. Oui, il nĠétait guère avenant.
C'est vrai, il avait du mal à rire. Et depuis quand, monsieur, notaire
- car il était notaire - était un métier rieur... Oui,
à vingt ans il avait l'air dĠen avoir le double, lisse pourtant. Parce
que si les gens le regardaient bien, il était un bébé.
Un petit biquet. Lisse, oui, et rosé, ses petits cheveux blonds, du
duvet madame, et pas une ride, pas de risque. Un enfant pur, en ordre, visitant
sans question l'âge adulte, un enfant adulte, si on le regardait bien.
Et d'ailleurs, personne ne le regardait. Oh, il n'allait pas s'amuser à
se plaindre. Il n'allait pas s'amuser.
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Jusqu'à
lĠarrivée de cette fille. Une étrangère. Une semeuse
de désordre. De ces choses qui ne se |
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UNE
EXPO À LA COUR |
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Mais bien
sûr qu'il n'y a pas tout le monde sur les photos. Il en manque tellement
que je suis bonne pour me confondre en excuses, mais si vous saviez comme
c'est long de scanner pièce par pièce, un vrai cauchemar. Bon,
la prochaine fois, promis, vous serez à l'écran. Oui, vous.
Quand les scanners auront fait des progrès. Si
vous voulez vraiment avoir |
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