Je t'écris

Quand Anne Contri prête sa plume

Quand l'envie est là mais pas le souffle, quand les mots se pressent mais qu'on manque d'ordre pour les mettre en page, voilà, ils l'appellent, et l'usent avec parcimonie. L'aventure est humaine avant tout, pour que le lecteur arrive à leur rencontre et fasse partie du clan.

Moins heurtant que le mot français, le terme anglais d'Ecrivain Fantôme s'applique à l'écriveuse des autres. Mais si cette page affiche des couleurs layette, c'est qu'il s'agit surtout d'un accouchement, où la Comtesse tient le rôle de la sage-femme. Garçon ou fille ? L'éditeur baptise le bébé, et l'envoie se faire lire ailleurs, chez vous, ô lecteur chéri, notre berceau.

Lecteur chéri, tu as donc bien mérité ce texte en bas de la page,
un rien coquin, un rien marin. Parce que la Anne Contri en question,
elle n'a pas écrit que de la poésie !

LECTEUR CHÉRI DES LETTRES X,
TU AS BIEN MÉRITÉ LE REQUIEM QUI S'EN SUIT

 

"Mon enfance assassinée" et "Blessée à jamais" de Patricia Pattyn chez Albin Michel, 1994 et 1996.
"Mon enfance assassinée" en livre de poche chez J'ai Lu

 

 

L'aventure Patricia

"Merci à Anne Contri d'avoir été ma traductrice, ma sage-femme pour cet accouchement qui, sans son sourire, son regard, sa compréhension, eût été impossible." C'est la dédicace qu'offre Patricia Pattyn à la fin de son récit "Mon enfance assassinée" à celle qui a su si bien l'écouter. Une aventure de plusieurs mois, une connivence entre les deux femmes, et la découverte de ce monstre d'humanité, cette petite fille si émouvante qu'il est impossible de l'oublier malgré les années. Le second livre "Blessée à jamais" est né dans ce mouvement.
"L'envol du papillon" devait être le titre de ce second ouvrage. "La Petite", le titre du premier, c'est du moins ce qu'avaient prévu les deux femmes. La Petite, lorsque son livre est paru, s'est envolée comme un papillon, laissant flotter ses longs cheveux noirs, et la tendresse de son regard bleu, sur l'humanité qui lui avait fait pourtant tant de mal. La Petite a tout pardonné. Le papillon vole parmi nous.

 

 

Chuuuuuuut on ne dit rien...

On ne dit rien, on reste dans l'ombre, écrivain fantôme sans droit de cité. Néanmoins, l'aventure reste intéressante. Pages historiques acquises, ouverture à un monde qu'on ne connaissait pas. En endossant le destin des héros conçus par l'auteur, en se fondant dans des pulsions des passions des épopées appartenant à d'autres, on se cantonne certes dans le rôle de mère-porteuse qui livre le bébé sans ne pouvoir rien en revendiquer, mais dans un petit coin le sourire est là. L'enfant va bien, l'enfant parait, l'éditeur en est fier, l'auteur, resté ami, signe. Mais c'est ensemble nous l'avons mené jusqu'à vous...

 

 

Complicité de réécriture

 

 

Corriger, juste corriger. Soutenir, encourager, rectifier le tir, et surveiller la croissance de l'enfant de chapitre en chapitre. Alain Merijden fondait d'envie de le raconter, son passé là-bas, à Oran, à Alger. Son écriture, légère, amusante, sait parfois être grave pour évoquer la mort d'un père saisi au coeur des évènements d'Alger, ou sa détention absurde, mais le titre est là pour nous rappeler le sens de l'accueil et la chaleur des gens d'en face. "Un matelas par terre" conte le ciel bleu, les épices et la brise du large. La brise qui souffle ses relents nostalgiques sur la vieille horloge, l'épicière en blouse grise, la bande des copains, les filles en robe vichy. C'est drôle, émouvant, plein de verve. Jamais amer.
Un plaisir, alors, que de corriger cet ouvrage plein de senteurs. La rewriteuse entre non pas sur scène mais dans les coulisses, accompagnant cette enfance en en découvrant les paysages ensoleillés. Une belle rencontre.

UN MATELAS PAR TERRE - Alain Méridjen - L'Harmattan, collection "Ecritures"
L'Harmattan, 5 rue de l'Ecole Polytechnique - 75005 PARIS - Editions Comptoir librairie : 01 40 46 79 20

 

Voyageons ensemble, alors. Dans un autre passé, plus continental, passant de la Vespa le long des plages algériennes, à la 2CV pour ratisser l'Europe. Et voilà que d'une pirouette, Alain Meridjen offre à Anne Contri sa mise en abime...

" La quarantaine bien tassée, Franck vit seul. Ce soir-là il retrouve une vieille boite bourrée de lettres poussiéreuses. Le vertige. Sa jeunesse étalée. La conscience du gâchis. A se taper la tête contre les murs. Franck n'hésite pas. Une serviette froide sur le front, il appelle Anne, son "écouteuse" préférée. Et lui soumet le projet d'un bouquin. A partir des lettres. Les lettres ? Deux tas séparés avec soin. D'un côté, Hélène, blonde, secrète. Signe géographique : Copenhage. De l'autre, Carol, brune, expansive. Signe géographique : Boston. Entre les deux : Franck. Signe distinctif : amoureux fou. Et puis les autres. Les copains. Et la bonne vieille deudeuch pour faire chavirer les coeurs. Pour Anne, c'est trop ou pas assez. Elle veut sa fin. Une fin heureuse, tant qu'à faire. Elle ira de découverte en découverte."

UNE 2CV CA BRANCHE ENORMEMENT - Roman - Alain Méridjen - Editions Les 2 Encres, collection Manuscrit - Editions Les 2 encres - 6 chemin de la Simonière 49300 Le Puy St Bonnet - 02 41 56 57 30

 

 

 

 

 

Un jour, la branchitude ira se cacher dans le choix de l'écrivain fantôme... Ah bon, tu n'as pris Anne Contri, toi, mais tu es cinglé, ben oui moi je l'ai prise, je ne suis pas un ringue... Quoi, tu écris ton bouquin tout seul, tu es malade ! Si tu veux, j'ai son numéro perso, si si je te jure, attends juste qu'elle ait fini mon book...

En attendant ce jour béni, l'ardeur est toujours là. En travaux actruellement (travaux, truelle, je laisse la faute de frappe), la vie trépidante d'Elsa Prada. Coaaaa ! Vous ne connaissez pas cette étonnante créature, militante, raffinée, prostituée, transsexuelle... De la complicité encore, plume alerte pour langue sifflante, on ne s'ennuie pas avec ces deux-là. En attendant de découvrir la Prada dévorant l'écran, et la dévoration des pages par ses lecteurs avides, un peu de patience, juste un peu de patience...

 

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(pourquoi, vous n'avez pas envie de lire le petit texte cochon ci dessous ?)

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Histoire de se réchauffer, l'hiver, ou de se rafraîchir, l'été, cette bluette tendre et humide écrite par une anonyme plume (cherchez pas à deviner qui ça peut être, c'est quelqu'un qui adore la discrétion) qui en a bien pondu sept cents dans le même genre... Que vous ne lirez plus, le magazine a fermé ses portes roses, SOB SOB SOB SNIF SNIF. Aprovecha, ardent lecteur ! Puis sens-toi concerné par cet adieu à tes yeux infidèles dans le texte d'après...

 

LA SIRENE DES CALANQUES

 

Je passe ma vie à être contrarié, les affaires à mener, les femmes à amadouer, mes enfants à cajoler un week-end sur deux, les hauts patrons qui se la jouent et le petit personnel qui casse les couilles... Je n'ai qu'une joie, dans tout ce souk : la plongée sous-marine.
L'été, aux Seychelles ou dans les Calanques, l'hiver, en Egypte, ou à Cuba, les endroits ne manquent pas. Dans l'eau, j'entends battre mon coeur, je flotte, je redeviens foetus, je me détends. Le corps se régénère. Je dors bien. Je mange bien. Vraiment, sans ça, je me demande comment je tiendrais le reste de l'année...

Eh ben figurez-vous que la semaine dernière, j'étais en train de barboter dans les Calanques, tournant et retournant sur moi-même dans la grande bleue comme dans une machine à laver qui virait toutes mes impuretés, quand une sirène est apparue. Le bateau était ancré pas loin, je m'étais légèrement éloigné, en restant raisonnable. Et dans mon masque, voilà ce que je vois. Une sirène. Une fille aux longs cheveux blonds, en maillot argent deux pièces, sans masque sans tuba sans rien. Elle nageait comme une sirène et hop, elle a disparu. Autour de moi, sinon, personne, les autres plongeurs étaient au large. Bon. Cinq minutes plus tard, tandis que je me baladais dans l'eau verte et argentée, la même fille. Elle nage vers moi, et là, elle est totalement nue. Elle me fait la parade, comme si elle me courtisait, elle danse autour de moi, elle tourne, et hop, remonte et disparaît. Dans ma tête devenue aquatique, c'est un raz-de-marée. Je me repasse le film, son corps qui brille dans l'eau grâce aux minuscules bulles, son ventre plat, ses seins ronds et durcis par la fraîcheur de l'eau, ses cheveux en auréole, ses yeux clairs, ses longs bras et ses longues jambes qui la guident, et cette toute petite toison blonde sur un sexe secret... La revoilà, elle fonce sur moi, cette fois elle me frôle. Elle dépose un baiser sur mon masque, et s'enfuit.

Vite, je fonce au bateau, je sors de l'eau, je retrouve l'air pur du ciel et je vais m'allonger sur un rocher perdu, dans tous mes états. Un coup d'oeil à droite, une coup d'oeil à gauche, personne pour venir me déranger dans mon coin de rocaille, je me tape lentement une branlette de folie en repassant mille fois le film de ma sirène. Le raz-de-marée continue, j'ai l'impression, en crachant ma crème, que je vais faire un trou dans les nuages, tellement ça part haut. Les mains pleines de mon sperme, je m'endors d'un coup, nu au soleil, heureux. Très heureux.
Quelque chose me réveille. Quelque chose d'extraordinaire. Mon sexe est au chaud, c'est humide, ça bouge. On a posé un vêtement sur mes yeux. Le temps que cette délicieuse sensation me pénètre, j'émerge, et je tends les mains. Je rencontre une peau veloutée, une cuisse, une fesse. Quelqu'un, agenouillé, me suce. Une fille, une peau comme celle-là, c'est une fille, un dos comme celui-là, je le reconnais, c'est ma sirène, oui, les cheveux je les sens, ils sont longs et doux. Je soulève à peine un pan du tee-shirt pour m'assurer qu'il s'agit bien d'une fille, et je me replonge dans le noir, c'est trop bon. Ce qui m'arrive est un tel rêve, je m'abandonne. Sa bouche chaude enrobe mon sexe, sa langue titille mon frein, le plaisir m'envahit lentement. Lentement ? Aïe, hélas non, j'aurais pourtant voulu que ça dure toute la vie, mais je sens la jouissance qui monte, qui monte, je ne sais pas quoi faire. Tant pis, je lâche tout en m'agitant légèrement, le souffle coupé, le coeur à cent à l'heure, un kaléidoscope furieux dans le crâne. La bouche s'est retirée, et une main douce étale ma crème sur mon ventre. Une autre main se pose sur ma bouche et me maintient le tee-shirt sur les yeux. Je sens un corps tiède se coucher à peine sur le mien, me caresser du bout des seins, la fille m'embrasse puis se lève et s'en va. Je ne sais plus quoi faire, le sommeil m'envahit, je me rendors dans un bien-être que je ne peux même pas raconter ici. Je suis dans un rêve, c'est sûr.

En me réveillant une deuxième fois après cet étrange moment de bonheur, je m'aperçois que l'après-midi touche à sa fin. L'eau doit être d'une douceur incomparable. J'enfile mon maillot et je vais me baigner, l'eau me fait un bien prodigieux, je barbotte comme un reptile du début de la terre. Je passe sur ma nuit à l'hôtel, sans dormir, couché dans le noir à gamberger. J'hésite à courir à l'eau en pleine nuit, ça ne servirait à rien. Je finis par m'endormir au petit matin. Le lendemain, en revenant plonger au même endroit, je me suis demandé si tout ça n'était pas juste un rêve, un rêve merveilleux. J'ai attendu la sirène longtemps, tout en flottant comme un bienheureux dans l'eau fraîche. Puis au moment où j'étais décidé à remonter, elle est revenue. Mon coeur s'est mis à battre, je n'avais pas rêvé, elle était réelle, elle était belle, je suis resté paralysé. Elle a nagé vers moi, m'a attaché un petit foulard au poignet, m'a embrassé le masque en me regardant droit dans les yeux, elle souriait, et elle est repartie.

Je n'ai osé en parler à personne. Dites-moi, je dois être élu des dieux, pour avoir eu droit à vivre une chose aussi magique, non ?
Quoi, vous voulez savoir dans quel coin des Calanques ça s'est passé? Vous pouvez toujours courir, ma sirène n'appartiendra à personne d'autre. Mais rien ne vous empêche d'y rêver...

A.C. alias Nicolas, 36 ans

 

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(pourquoi, vous n'avez pas envie de lire l'adieu au lecteur ci dessous ?)

 

 

Le sexe écrit est mort, vive le sexe...

Je dis ça, l'amertume me fait délirer. Au fond, d'autres magazines marchent toujours aussi bien, on était peut-être juste moins bons... L'internet nous a volé la vedette, parait-il. Ami représentant de commerce qui t'es peut-être donné de la joie en lisant mes histoires, pourquoi nous abandonnes-tu ainsi pour une souris imbécile...

Huit ans passés au service de ton érection, ami représentant de commerce. Huit ans à se creuser la cervelle pour écrire d'harrassantes séries de lettres sur des thèmes aussi évocateurs que "Les pétasses se déchaînent", "Les baises exotiques", le sempiternel "Orgie chez les naturistes" ou le subtil "Adoration de l'escarpin". Huit ans à devenir Jean-Paul, Cynthia, Denise, Hervé, huit ans à avoir tous les âges, toutes les professions, toutes les origines, pour te fournir la petite phrase qui honorera ta vigueur. Huit ans à recueillir les confidences pour alimenter mes textes, à me creuser la mémoire pour en déterrer les plus chaudes anecdotes, huit ans de déontologie, parfaitement, à essayer moi-même les menus érotiques que je venais de concocter, huit à garder dans un coin de ma tête enfiévrée l'oeil de l'écrivain tandis que je jouissais de la vie... J'ai voulu me faire pédagogique, n'insultant jamais les femmes dans leurs désirs, leur laissant toujours la décision joyeuse de sauter dans le cerceau. Je t'ai appris les recoins de la femme, je t'ai sermoné à propos de nos différences, je t'ai enseigné ce qui compte pour nous, les grignoteuses de miettes gourmandes.

Grâce à toi pourtant, ami représentant de commerce, j'ai été un homme, j'ai été plein d'hommes, j'ai osé pour toi des extases de mâle, je me suis glissée dans ta peau. Les confidences que tu m'avais offertes à la radio quinze ans auparavant, je te les ai resservies, enjolivées. Grâce à toi, j'ai eu maintes fois vingt ans et des timidités, jeune homme craintif ou petite brune volontaire. J'ai aussi préparé ma cinquantaine en l'espérant gaillarde, j'ai plaidé pour la grâce des femmes riches d'expérience. Grâce à toi j'ai pu m'approcher les yeux mi-clos de tous ceux qu'on n'a pas eus, aussi poignants que celles de Brassens, ceux avec qui je n'ai pas osé, ceux qui m'ont fait mourir d'envie mais qu'une barrière invisible m'empêchait d'atteindre Et surtout grâce à toi, j'ai retrouvé au creux de ma plume tous les hommes que j'avais aimés, les vivants, les disparus, les morts. J'ai pu humer de nouveau leur odeur, toucher leur peau, leur donner du plaisir et battre des mains parce que c'était bien.

Mais tu nous as abandonnés, ami lecteur, et si je t'en veux de me retirer ainsi le pain de la bouche avec ton coïtus interruptus, je ne peux pas complètement sangloter ma misère. Tu as dû sentir combien à la fois j'aimais écrire, même ces lettres qui t'étaient destinées, mais à la fois combien j'étais lassée de ce monde de simili-sexe qui m'a pourtant nourrie de longues années, depuis les films X jusqu'à tes petites bafouilles. Je me suis trop vantée, ami lecteur, si tant est que je suis fière de tout ce que je fabrique. Trop vantée, éventée, on me rend hommage à présent en posant à mes pieds des estampes japonaises, des textes érotiques anciens, on pense à moi à chaque croisement de sex-shop, on m'informe dès qu'on rencontre la moindre nymphomane qui aligne trois mots sur ses émois fessiers... Jolis cadeaux, au secours, merci les enfants, mais ya basta, bye bye le Q, adieu le X...

Nous nous quittons après toutes ces années de bons et loyaux services, ami lecteur, qui m'écoutais peut-être déjà m'époumoner dans les K7 de chez Lucy Prod. La reine du cul à vendre prend sa retraite. Pour citer la Comtesse dans son ode aux voyeurs : "Inconnu, ta branlette est l'honneur de nos jeux", j'ai été ravie de ne pas te connaître et pourtant d'être entrée dans ta vie en éjaculant de l'encre. Et suis toute autant ravie, n'était-ce mon goût pour la nostalgie, de retrouver mes pénates peinarde, d'écrire quand bon me semble les textes de mon choix, de mitoner de savoureuses rencontres, de jouir entre moi et moi de mes chauds émois et de fantasmer en toute discrétion sur des affections sans étendard dressé...

Avec mes hommages
Anne Contri

 

 

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(cette fois c'est bon...)